Diagnostic Local de Santé 2023
Les maires des (alors) trois communes Oullins, Pierre-Bénite et Saint-Genis-Laval ont demandé la réalisation d’un Diagnostic Local de Santé à l’Observatoire Régional de Santé, réalisé avec le soutien de l’ARS1. État des lieux sur la santé de la population, offre de soins locale, repérage des principaux enjeux, données sociologiques, données en santé-environnement… ce rapport de 2023, disponible sur le site de l’ORS Auvergne Rhone Alpes est une mine d’informations !
Pour l’offre de soins locale : la densité en médecins généralistes plus faible que dans le reste de la métropole (voire beaucoup plus faible pour Pierre-Bénite).
État de santé des populations : Les taux d’hospitalisation pour tumeurs des habitant.e.s d’Oullins Pierre-Bénite sont supérieurs au taux métropolitain et régional.
Les chiffres du diabète sont préoccupants à Pierre-Bénite. En 2020, le taux de prévalence des ALD pour diabète s’élève à 6 398 pour 100 000 habitants à Pierre-Bénite contre 4 544 dans la métropole de Lyon et 4 177 dans la région Auvergne-Rhône-Alpes.
Pierre-Bénite se distingue par des taux d’hospitalisations pour maladies cardio-vasculaires, de l’appareil digestif, endocriniennes et respiratoires relativement élevées par rapport à la métropole et la région, voire nettement plus élevés pour diabète. Les taux d’hospitalisation pour bronchite chronique sont supérieurs au taux régional et métropolitain (premier facteur de risque le tabagisme ; deuxième facteur de risque l’exposition à des toxiques ou irritants : particules, gaz, vapeurs, fumées…). Les consommations régulières d’antidiabétiques, d’antiasthmatiques et d’antiallergiques sont plus élevées que dans la métropole et la région.
TAUX D’HOSPITALISATION CLASSES PAR MOTIFS D’HOSPITALISATION
CONSOMMATIONS MEDICAMENTEUSES
A Oullins, c’est la santé mentale qui est préoccupante : consommations de psychotropes et recours aux soins psychiques sans importants, sans que le rapport puisse apporter une raison.
Qualité de l’air : l’exposition moyenne estimée est supérieure à la valeur guide de l’OMS de 10 µg/m³ de particules fines (12,35 µg/m3 pour Oullins; 12,82 µg/m3 pour Pierre-Bénite). Or le rapport rappelle que «de nombreuses études montrent un rôle de la pollution atmosphérique sur la perte d’espérance de vie et la mortalité, mais également sur le développement de maladies cardiovasculaires, de maladies respiratoires et du cancer du poumon».
Bruit : C’est à Oullins que la part de la population exposée à des niveaux de bruit supérieur à 70 dB(A) est la plus importante (6 %) (Le coût social total du bruit est estimé en France à 147,1 milliards d’euros chaque année).
La cartographie de la co-exposition pollution air-bruit vaut un détour sur la plateforme officielle orhane.fr : les populations vivant dans des zones très exposées se situent -sans surprise- aux abords de la grande rue d’Oullins, du boulevard Emile Zola, du boulevard de l’Europe et de l’A7 à Pierre-Bénite!
Il est toujours bon de se rappeler à la lecture du rapport qu’«il est aujourd’hui scientifiquement démontré que la pratique de mobilités quotidiennes a un impact important sur la santé humaine, l’environnement et le budget des ménages. Par ailleurs, la réduction de l’usage de la voiture au profit du vélo ou de la marche contribue à réduire la pollution atmosphérique, les émissions de gaz à effet de serre et les nuisances sonores, à moindres coûts. »
Le rapport va-t-il parler des PFAS ? La réponse est oui! Le ton se veut rassurant. On est surpris de lire que «leur toxicité est encore mal connue», quand la littérature scientifique médicale sur les effets des PFAS sur la santé humaine est abondante 2 et quand 15,6 millions d’européens seraient touchés par des maladies liées à une exposition aux PFAS (coût annuel en dépenses de santé entre 52 et 84 milliards d’euros à l’échelle de l’Europe)3.
Le rapport nécessite déjà une mise à jour! La classification par le CIRC (Centre international de recherche sur le cancer) du PFOA dans le groupe 2B des «substances peut-être cancérogènes pour l’homme » a depuis été revue. Depuis le 1er décembre 2023, le PFOA est classé « cancérogène pour les humains » (groupe 1) et le PFOS comme substance « peut-être cancérogène pour les humains » (groupe 2B).
La minimisation et le doute ne sont actuellement plus permis.
L’ORS explique le taux élevé de diabète des Pierre-bénitains par une «plus grande fréquence du diabète parmi les catégories socioprofessionnelles les moins favorisées». Une simple recherche montre que la littérature médicale scientifique liant diabète de type 2 et PFAS existe 4. ..
Que dire du taux de tumeurs supérieur pour les populations d’Oullins Pierre-Bénite ? Quand l’ARS se penchera-t-elle sur le lien entre la pollution aux PFAS et l’état de santé de la population riveraine des sites industriels d’Arkema et Daikin? (de telles études sont pourtant préconisées dans le Plan Interministériel d’action sur les PFAS -Avril 2024 5). La lecture du rapport nous laisse avec des questions embarrassantes.
La partie qualitative de l’étude, interrogeant des professionnels de santé, présentant quelques passages particulièrement appréciables et savoureux, en ces périodes d’expérimentations sur les mobilités. Ces éléments n’étant pas repris dans la synthèse proposée par la mairie6, nous nous permettons de citer quelques passages :
« La pratique du vélo, en développement dans ces trois communes, soulève des enjeux de sécurisation pour les cyclistes et les piétons. À ce jour, les pistes cyclables existantes ne sont pas continues : elles ne permettent pas de circuler aisément entre les trois communes et vers Lyon. Ces pistes ne sont pas séparées de la chaussée, ce qui génère des craintes voire un risque d’accident pour les cyclistes, d’autant que le trafic routier est très dense sur certaines portions. À moyen terme, plusieurs projets de nouvelles voies cyclables ou réservées aux modes doux, reliant les trois communes et Lyon, devraient permettre de faciliter et d’encourager encore la pratique du vélo, et de répondre en partie à ce besoin de sécurisation.
Enfin, les professionnels ont rappelé la nécessité de communiquer encore sur les bénéfices attendus de l’apaisement des centres-villes sur la qualité de l’air notamment, et donc pour la santé, afin d’inciter les habitants à se déplacer le plus possible en mode « doux ».
« Les bénéfices de la marche sur la qualité de vie et l’état de santé de la population sont aujourd’hui très documentés et bien identifiés par une partie des professionnels et une partie des habitants. Le report (même modeste) des déplacements motorisés vers les « modes doux » contribue à la réduction de la pollution de l’air, du niveau de bruit, et favorise la pratique de la marche au quotidien, autant de leviers de prévention primaire ou secondaire des maladies cardio-vasculaires, respiratoires, mais aussi des cancers, diabète, et aussi des leviers pour réduire le stress, les troubles dépressifs … (…)
Toutefois marcher dans certaines parties du territoire n’est pas toujours aisé, ni agréable, voire dangereux pour les personnes à mobilité réduite et les plus vulnérables. Professionnels et habitants repèrent de nombreuses contraintes : le trafic automobile très dense et les trottoirs hauts et étroits pour les piétons sur l’axe principal du centre-ville d’Oullins (en particulier pour les personnes en fauteuil roulant, en déambulateur, pour les poussettes). »
Dans cette partie qualitative, nous relevons d’autres éléments intéressants au sujet du sentiment d’insécurité et de relégation dans certains quartiers défavorisés :
« Le sentiment d’insécurité dans l’espace public constitue non seulement un frein à la marche à pied et à la pratique d’activité physique (dans les parcs, les jardins) mais il est également un facteur de stress qui nuit globalement à la qualité de vie des habitants. Ce sentiment est particulièrement vif chez certains habitants des quartiers en politique de la ville, en particulier en soirée et la nuit. Il est lié à la fois à la présence de regroupements d’hommes qui, même sans être agressifs, sont perçus comme une menace notamment par certaines femmes ou personnes âgées, mais aussi aux incivilités de certains jeunes (bruit…) et aux points de trafic de drogue.
Les jeunes hommes interviewés ont, de leur côté, formulé des demandes pour avoir accès à des espaces extérieurs, parcs ou terrains de sport, où ils pourraient se regrouper entre pairs, sans être sous le contrôle d’adultes. Ils ont également exprimé le sentiment d’un manque de bienveillance voire d’une suspicion de la part d’une partie des adultes et des professionnels à leur égard, notamment lorsque les jeunes se regroupent dans certains points des espaces publics. Ces groupes de jeunes, notamment lorsqu’il s’agit de garçons issus de l’immigration, seraient très souvent délogés par les forces de l’ordre, alors que les jeunes en question n’ont pas le sentiment – ou pas conscience- de déranger le voisinage »
Voici résumés quelques points marquants de ce diagnostic local de santé, mais bien d’autres informations, telles que les données sociologiques, sont à explorer. Il est assez intéressant de noter que la synthèse qu’en a faite le maire d’Oullins Pierre-Bénite montre une grille de lecture quelque peu différente !6
2. National Academies of Sciences, Engineering, and Medicine; Health and Medicine Division; Division on Earth and Life Studies; Board on Population Health and Public Health Practice; Board on Environmental Studies and Toxicology; Committee on the Guidance on PFAS Testing and Health Outcomes. Guidance on PFAS Exposure, Testing, and Clinical Follow-Up. Washington (DC): National Academies Press (US); 2022 Jul 28. PMID: 35939564.
4. Gui SY, Qiao JC, Xu KX, Li ZL, Chen YN, Wu KJ, Jiang ZX, Hu CY. Association between per- and polyfluoroalkyl substances exposure and risk of diabetes: a systematic review and meta-analysis. J Expo Sci Environ Epidemiol. 2023 Jan;33(1):40-55. doi: 10.1038/s41370-022-00464-3. Epub 2022 Aug 15. PMID: 35970987.
5. https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/documents/2024.04.05_Plan_PFAS.pdf