Mariage forcé ou mariage arrangé ?

La volonté des maires d’Oullins et de Pierre-Bénite de fusionner nos deux villes, et vite, a été démasquée.

Ils ont invoqué l’histoire en rappelant que nous ne faisions qu’une, que nous avions été séparées en 1870. L’histoire ne peut se résumer à un tel raccourci.

La séparation en deux paroisses s’est concrétisée après 50 années de conflits entre « Pierre-Bénite » la monarchiste et « Oullins » la républicaine.

Pour savoir où l’on va, il faut savoir d’où l’on vient. L’histoire d’Oullins ne trouve pas d’écho à Pierre-Bénite. Citons entre autres :
– l’entente oullinoise historique entre protestants et catholiques, devenue un modèle d’œcuménisme que l’on nous envie aujourd’hui,
– le passé ferroviaire avec l’une des premières gares de France et les ateliers de la « Compagnie des hauts fourneaux, forges et ateliers d’Oullins » à cheval sur La Mulatière, alors lieu-dit de Ste Foy,

– mais encore la Résistance avec les cheminots et le maire Claude Jordery, premier maire de France à s’opposer à Vichy, mort en déportation,
– puis l’action de son fils Paul, maire aussi, qui a fait d’Oullins une des premières villes de France à se rapprocher d’une ville allemande, Nürtingen, et à conclure un jumelage en associant la population…

Les histoires des deux villes sont riches mais différentes. Les agricultures n’étaient pas les mêmes, l’industrialisation ne s’y est pas faite de la même façon et aux mêmes époques. Et depuis, notre histoire commune avec Pierre-Bénite a été plutôt moins riche qu’avec La Mulatière, Saint-Genis-Laval, voire Lyon…

La loi sur les fusions de communes a maintes fois évolué ces dernières années, jusqu’en 2019, au point d’émouvoir les parlementaires républicains qui avaient déposé un projet de Loi exigeant un référendum en cas de fusion…

L’esprit de la loi est de permettre à des communes petites, fragiles, souvent rurales, et ayant peu de moyens de se rassembler pour mutualiser leurs forces. En France, la moitié des 36 000 communes ont moins de 500 habitants.

Il est aisé de comprendre qu’une éventuelle fusion d’Oullins et de Pierre-Bénite ne correspond ni à l’esprit de la loi ni, d’ailleurs, au récent rapport du Sénateur François Noël Buffet.

L’Inspection Générale de l’Administration a publié en 2022 une étude sur les fusions de communes. Sur 787 communes créées depuis 2010, 780 affichent un bilan décevant : réduction des avantages financiers, pas d’économies de gestion, pas d’amélioration des services à la population, fragilisation de la vie associative… Ce rapport indique même qu’il n’y a pas besoin de fusion pour mutualiser des services (police…) ou partager des équipements.
Notons qu’Oullins coopère déjà avec les villes voisines : accès commun aux médiathèques d’Oullins, Saint-Genis-Laval et Brignais, mutualisation avec Grigny du centre de supervision urbain, projet d’une cuisine centrale avec cinq communes voisines, achats groupés…

Ce projet, grand absent des programmes des municipales de 2020, n’a jamais été évoqué, ni dans la presse, ni dans ce bulletin, ni lors des vœux de cette année.

Ce projet qui n’est donc pas une évidence a provoqué beaucoup d’émoi dans la population. C’est normal, la commune est le 1er échelon de la démocratie, celui où se prennent les décisions qui impactent la vie quotidienne : lieux de vie, vie sociale, activités de loisirs…
Il a aussi provoqué l’étonnement des élu.es municipaux de tous bords, écarté.es des discussions.
On peut imaginer qu’il inquiète aussi les agents territoriaux : une fusion provoque forcément une réorganisation, une mutualisation et une suppression de postes.

Alors, comme nous ne sommes pas dogmatiques, nous ne fermons pas la porte à une réflexion, une analyse objective et éventuellement une construction collective d’un tel projet, qui pourrait transformer en profondeur Oullins et donc la vie de ses habitants.

Il est nécessaire de faire des études d’impact sur de nombreux points : situations budgétaires (totalement opposées), fiscalité, ressources humaines, besoins d’équipements, conséquences foncières, diagnostic des besoins sociaux, prospective de la vie associative et culturelle, développement économique…

Si toutes ces études d’impact, nécessaires à une prise de décision en connaissance de cause, telle que prévue par la loi, ont été faites, nous demandons qu’elles soient rendues publiques de toute urgence. Si elles n’ont pas été faites, il faut délibérer pour les mettre en œuvre et acter publiquement que le temps de les produire, de les diffuser et d’en débattre avec la population ne permet pas de maintenir la date de janvier 2024 et reporter cette échéance.

Enfin, si l’aboutissement de ce travail conclut à l’intérêt d’une fusion, ce dont nous doutons fortement, alors un projet d’une telle importance doit recevoir l’assentiment de la population dans une démocratie qui se respecte. Nous souhaitons donc qu’il soit soumis à un référendum ou soit porté au débat lors des prochaines élections municipales.